A propos

Qui suis-je ?

Qui suis-je ? Hélène Maurel
Hélène MAUREL
Professeure de Littérature française
Université de Tours, membre de l’équipe de recherche
Interactions Culturelles et Discursives

Mes domaines de recherches

Je mène de front deux chantiers de recherche liés l’un à l’autre : je me suis, dans un premier temps, essentiellement consacrée au processus de création littéraire, de l’imitation à la réécriture créative, à l’originalité et à son envers, le plagiat. Puis, je me suis intéressée à la création littéraire au féminin à partir d’un constat : derrière l’oeuvre du « grand écrivain » se cache quelquefois une « petite main », plus qu’une muse, qui corrige, collabore, jusqu’aux limites d’une écriture pleinement créative…
Ces deux champs de recherche sur les écrivaines invisibilisées d’une part, et, d’autre part, sur le plagiat et l’originalité en littérature sont donc complémentaires.

Sur les écrivaines invisibilisées

J’ai exploré ce chantier de recherche à la suite d’un constat : nombre de femmes ont contribué à l’œuvre du « grand écrivain » de façon totalement anonyme. C’est en analysant la genèse de certaines œuvres, celle de Léon Daudet par exemple, que la qualification de « muses » pour désigner ces femmes m’a paru inadéquate. Julia Daudet intervenait directement dans l’œuvre du « grand-homme ». Plus exactement, ce terme de « muse » permettait de reléguer la femme à un simple rôle d’inspiratrice, en l’excluant radicalement du champ de la création littéraire.

Le mouvement sociétal Me Too a accéléré cette dynamique de recherche par une prise de conscience du phénomène plus général d’occultation des femmes dans la société patriarcale. Ainsi, l’histoire littéraire, constituée essentiellement de modèles masculins, m’est apparue dans une incongruité scandaleuse. Comment les femmes pouvaient-elles prendre conscience de leur propres ressources créatrices, comment pouvaient-elles avoir confiance en leur ambition littéraire ou artistique, sans exemples, sans modèles féminins pour les faire rêver, pour les guider et leur montrer le chemin ? Que ce soit possible pour elles aussi, enfin.

colloque organisé par Hélène Mauel

En 2017, j’ai donc organisé un colloque où se réunirent des universitaires qui, chacun.e selon sa spécialité, ont présenté des cas de collaboration littéraire où la femme restait le plus souvent dans l’ombre du mari, ou de l’amant, ou du frère. Les actes de ce colloque ont été publiés en 2019 aux Classiques Garnier sous le titre Femmes artistes et écrivaines dans l’ombre des grands hommes (sous la dir. de Hélène Maurel-Indart)

A propos
Madeleine Gorge feuilletant un livre, par Albert Besnard (1872)

Aujourd’hui, un vaste chantier s’est ouvert dans tous les domaines de la culture, pour mettre en lumière les femmes créatrices, oubliées, réprouvées, occultées. J’y participe avec conviction, comme un acte militant, pour que l’histoire littéraire soit une représentation plus exacte et plus juste de la réelle participation des femmes à notre société dans le domaine de la création.

Ce site internet est consacrée au champ de recherche sur les écrivaines invisibilisées.

Sur le plagiat littéraire et l’originalité

Dès mon travail de thèse, qui donna lieu à une première publication de référence en 1999 aux Presses Universitaires de France sous le titre Du plagiat, réédité en 2011 chez Gallimard, j’analysai la pratique du plagiat, de la copie et de la réécriture depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Je mis ainsi en évidence la complexité du rapport de l’écrivain à ses prédécesseurs et à ses modèles de référence, en tant que modèles d’apprentissage. La question de l’originalité se pose en effet de manières différentes selon les époques : le statut de l’auteur ne s’impose véritablement qu’à partir du XVIIIe siècle, remettant en cause la tradition de l’imitation au profit d’une conception prométhéenne de la création au XIXe siècle. La « mort » de l’auteur dans la deuxième moitié du XXe siècle ouvre la voie à l’intertextualité et à une vision dialogique de la littérature, alors même que le droit d’auteur se renforce sur le plan juridique.

Il convient de mieux comprendre les tensions, de nature historique et culturelle, qui déterminent la définition de l’œuvre comme création originale. Dans quelle mesure sommes-nous autorisés à porter un jugement sur la qualité littéraire d’une œuvre, sur son caractère novateur en particulier ? C’est ce à quoi nous nous attelons à chaque fois que se pose la question de l’authenticité créatrice, dans des cas présumés de plagiats, de faux, d’imitation ludique ou de parti pris esthétique de la reprise et de la répétition (collages en littérature, peinture et photographie, recyclage, sampling en musique).

revue Critique : article d'Hélène Maurel sur les plagiaires
Hélène Maurel, « Le plagiat en 2001, analyse d’un grand cru ».

Mon apport consiste aussi à croiser les discours littéraire et juridique, afin d’affiner les notions de propriété littéraire et de droit d’auteur. Ces questions sont devenues d’une actualité cruciale avec le développement de l’intelligence artificielle qui ouvre aujourd’hui une zone de non droit, encore difficilement identifiable et contrôlable. Les intérêts des créateurs devront faire l’objet d’une réglementation adaptée à ces nouveaux enjeux culturels et économiques.

Dans les universités, les travaux de recherche, comme les mémoires et les thèses, sont concernés par les questions d’éthique et d’intégrité scientifique : la pression à la publication s’alourdit et le rythme de la recherche ne doit pas le céder à celui des impératifs carriéristes ou commerciaux. L’ouvrage de Gilles Guglielmi et de Genviève Koubi, Le Plagiat de la recherche scientifique, publié aux éditions juridiques de référence L.G.D.J. en 2012, reste toujours pertinent sur ce sujet préoccupant.

Je consacre un site internet à ces questions de plagiat littéraire, d’originalité et de droit d’auteur.
Vous y trouverez mes principales publications dans ce domaine de recherche.

Copier, mode d'emploi : article d'Hélène Maurel
Hélène Maurel, « Les techniques du plagiat ».

Publications d’Hélène Maurel sur les écrivaines invisibilisées

  • Femmes artistes et écrivaines dans l’ombre des grands hommes, sous la dir. de Hélène Maurel-Indart, Editions Classiques Garnier, 2019, 250 p.
    Actes du colloque de l’Université de Tours, les 8 et 9 mars 2017.
    Nombre d’artistes et d’écrivaines sont restées dans l’ombre, leurs œuvres dépréciées, voire ridiculisées, ou simplement oubliées, à force d’être reléguées en marge des circuits de diffusion et de légitimation. En réalité, bien des femmes, en art et en littérature, ont le plus souvent œuvré comme collaboratrices, secrétaires, correctrices, ou même rédactrices anonymes, au service de l’œuvre du « grand homme ». Cet ouvrage collectif fait la lumière sur ces formes de créativité mal définies et sur le processus d’autonomisation à l’œuvre chez certaines créatrices, de Madeleine de Scudéry à Suzanne Duchamp.
Ecrivaines invisibilisées

Comment sortir d’un tel piège instauré insidieusement depuis des siècles ? George Sand, pionnière, a relevé le défi, s’imposant comme auteure en dépit des interdits de l’époque. « J’ai un but, une tâche, disons le mot, une passion. Le métier d’écrire en est une violente et presque indestructible. » Née en 1804, elle incarne explicitement la liberté naissante de l’opprimé, dans une vision plus vaste, politique, qui dépasse le sort de la femme : « Je hais toute espèce de domination, qu’elle soit spirituelle ou politique.

Hélène Maurel, « Introduction », Femmes artistes et écrivaines dans l’ombre des grands ombres.

  • « Catherine Pozzi : la muse trahie de Paul Valéry », in Femmes artistes et écrivaines dans l’ombre des grands hommes, sous la dir. de Hélène Maurel-Indart, Editions Classiques Garnier, 2019, p. 85-93.

Mais aujourd’hui, je traverse sa chambre. Il y a des pages sur la table : je les prends, devant lui, je les lis. C’est la première fois qu’il fait un mouvement pour m’enlever des mains ce à quoi il travaille. Et ce mouvement m’a plus instruite que les idées reproduites de mes pages… […]
Quand il a lu le De Libertate, le manuscrit de 1915 – de cinq années avant que je ne sache qu’il y avait un P.V. –, il ne m’a même pas dit que cela valait quelque chose, y pensait, le laissait devenir et c’est assez bon pour être son meilleur. […] Je ne crois pas que j’aie tellement mal du vol, de l’espèce de fraude : j’ai mal de la pauvreté en Bien de mon ami.

Catherine Pozzi, Journal 1913-1934, [Ed. Claire Paulhan, 1997], Phébus, 2005, p. 270.

Catherine Pozzi et Paul Valéry
  • « Le bureau, “une pièce à elle”, ou la métamorphose du féminin », in QUAINA, revue en ligne sous la direction de Jennifer Haraguchi (Provo University-Utah), Anne-Rachel Hermetet (Angers Université), Patricia Lojkine (Le Mans Université), Sophie Soccard (Le Mans Université) et Isabelle Trivisani (Angers Université), à paraître.
George Sand
Cabinet de travail de George Sand, dans sa maison à Nohant-Vic.

Comme le pressentait Virginia Woolf, la femme n’a pu changer de statut social et, dans un même processus, d’état psychique, qu’à la faveur d’outils d’émancipation déterminants : une « chambre à soi » mais plus encore l’indépendance financière et – défi à la nature et à la société patriarcale – un corps à soi.
Pièce maîtresse parmi ces outils d’émancipation, le bureau, meuble ou espace de travail isolé de la maisonnée et de ses contraintes, représente pour la femme un objet de conquête, aussi bien dans son environnement privé que professionnel : son autonomisation est marquée par ce lieu longtemps réservé aux hommes, à la fois moyen et représentation du savoir et du pouvoir – qui ne font qu’un.

  • « Quand la femme devient autrice », in Mémoires de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Touraine, tome 30, année 2017, publié en 2018, p. 191-198.

Les femmes firent ainsi leur entrée en littérature : de biais, faisant l’homme, façon George Sand ; ou s’effaçant, sans signature, obscure doublure d’un homme vénéré, puis quelquefois haï pour le sacrifice consenti. Jusqu’à l’aube du XXe siècle, les femmes n’accèdent au statut d’écrivain qu’à l’issue d’un long parcours initiatique ; certaines osent braver us et morale, puis parviennent à assouvir leur passion de l’écriture, mais à quel prix.

Académie de Touraine
  • « Du bref de la lettre au long de la correspondance : entre Catherine Pozzi et Paul Valéry », in Stratégies et pouvoirs de la forme brève, sous la direction de Philippe Chardin et Elisabeth Gavoille, Editions Kimé. 2017, p. 111-120.
Stratégies et pouvoirs de la forme brève

Chaque lettre vaut, aux yeux de Pozzi et de Valéry, œuvre littéraire, dans sa singularité. Or, singularité n’est que par l’autre ; n’est unique que l’un en regard d’autres. En atteste l’usage de l’adjectif numéral ordinal par Pozzi, comme épithète du terme « lettre », une dans un ensemble : « Quatrième et cinquième lettres from Hell. » (Journal de Catherine Pozzi). Ce 17 novembre 1921, l’infernal Valéry n’a pas les faveurs de sa correspondante. Dans une lettre du 31 décembre 1921, Hell, ainsi baptisé par Pozzi,signe lui-même « L » pour « Lionardo », le petit Lion de CK, Catherine-Karin, kharis, la grâce. Valéry signe L, en écho à l’apostrophe amoureuse de Pozzi « Lionardo mio ». La lettre alphabétique, L, n’a qu’un temps d’avance sur le mot, hell. Le Lion deviendrait infernal ; c’était écrit. Ironie tragique : Valéry estampille son œuvre épistolaire du sceau de cet enfer qu’il devient pour kharis dès les premières trahisons d’un mondain absent, définitivement marié.

Extrait de l’article de Hélène Maurel.

  • « Coïtus reservatus ou La correspondance amoureuse par voie électronique : de la lettre au mail, l’eros dans tous ses états », in Eros aujourd’hui, Médium, revue sous la direction de Régis Debray, n° 46-47, janvier-juin 2016, p. 295-306.

Changement de médium, changement de message : n’en déplaise aux soupirants, je gage que la correspondance amoureuse subit de sensibles modifications de contenu selon le médium utilisé : lettre ou mail. Bien plus, par un effet d’induction, la modification de l’expression du sentiment amoureux et du fantasme érotique est telle que le ressenti même en serait tout branlé. Le dire dicte le senti, tout autant que le contraire. Le « sensorium », défini par Marshall Mc Luhan comme l’effet des média sur nos sens, s’infléchit selon la dimension spatio-temporelle propre à chaque médium.
Cette réflexion sur la correspondance amoureuse électronique s’appuie sur un corpus authentique de mails et sur l’observation d’une pratique d’écriture in process.

Médium Eros, article d'Hélène Maurel sur la correspondance amoureuse
  • « L’œuvre de Charlotte Delbo : œuvre témoignage ou œuvre littéraire ? », in Charlotte Delbo, un témoin écrivain et dramaturge, sous la dir. de Catherine Douzou et Jean-Paul Dufiet, Trente, Università degli Studi di Trento, 2016, p. 71-81.
Charlotte Delbo

Car là-bas tout était vrai
Tout était vrai de vérité mortelle
Net, coupant, sans ombre ni mesure
Cruauté pure, horreur pure. (…)
Alors pourquoi dire
Puisque ces choses que je pourrais dire
Ne vous serviront
À rien…

Qui rapportera ces paroles ?, pièce de théâtre de Charlotte Delbo, 1974.

  • Préface de l’ouvrage De l’ovaire à l’Absolu, journal du très haut amour (1920-1928) de Catherine Pozzi, Rennes, Les Perséides, 2021, p. 11-20.

De l’ovaire à l’Absolu, le titre choisi pour ses huit premiers cahiers, évoque la double dimension à la fois charnelle et spirituelle de l’œuvre de Catherine Pozzi mais aussi de sa relation avec Paul Valéry. Pendant huit ans, de juin 1920 à janvier 1928, elle couvre ses feuilles du nom de Valéry, y recopie certaines de ses lettres. Amour passionné, sublimé, élevé à la hauteur d’une œuvre d’art, il imprègne l’être entier de cette femme d’une sensibilité exacerbée, apte à capter la moindre vibration sensorielle. Le rêve de l’union duelle ne s’est peut-être jamais réalisée que dans la poésie d’une écriture éminemment lumineuse .

Journal de Pozzi, préface de Hélène Maurel
Préface de Hélène Maurel

Contact : helene.maurel78@orange.fr

Article Wikipedia sur l’autrice du site.

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