Voici une galerie de portraits d‘écrivaines oubliées, ou peu connues, dont les oeuvres aspirent à la lumière. De nombreuses publications participent désormais de ce vaste chantier. Cependant, les redondances entre les sites internet et les ouvrages consacrés à ce thème répareront peut-être l’immense obscurité qui a invisibilisé tant d’oeuvres plus ou moins géniales, originales, comme celles de tant d’hommes après tout. Que chacun y fasse sa moisson et goûte le bonheur de la découverte : inédits, rééditions tardives, pistes de recherche… L’aventure est collective et la dynamique de réhabilitation nécessaire, indispensable pour rendre aux femmes la confiance en leur créativité.
Chaque portrait d’écrivaine renvoie à une page de présentation de l’autrice. Vous y trouverez les informations essentielles, des indications bibliographiques si vous souhaitez en savoir davantage. Des liens vers des publications en ligne vous conduiront aussi vers d’autres travaux de recherche en cours.
Et si la soeur de Shakespeare avait existé ? Et si elle avait eu elle aussi la passion de l’écriture ? Virginia Woolf, dans Une chambre à soi, en 1929, imagine ce qu’elle serait devenue… même si aujourd’hui, il semble attesté que Shakespeare eut bien une soeur, de cinq ans sa cadette, mais totalement effacée. Laissons Virginia Woolf la faire revivre un moment :
« Cette sœur de Shakespeare mourut jeune… hélas, elle n’écrivit jamais le moindre mot. Elle est enterrée là où les omnibus s’arrêtent aujourd’hui, en face de l’Elephant and Castle. Or, j’ai la conviction que cette poétesse, qui n’a jamais écrit un mot et qui fut enterrée à ce carrefour, vit encore.
Elle vit en vous et en moi, et en nombre d’autres femmes qui ne sont pas présentes ici ce soir, car elles sont en train de laver la vaisselle et de coucher leurs enfants. Mais elle vit; car les grands poètes ne meurent pas; ils sont des présences éternelles; ils attendent seulement l’occasion pour apparaître parmi nous en chair et en os. »
Ajoutons à ces créatrices peu connues, quelques figures, celles-ci célèbres, car il faut donner aux femmes d’aujourd’hui des modèles, des talents inspirants et, avec elles, la certitude désormais que la création au féminin est possible, par nature. Leur portrait ne sera pas cette fois-ci accompagné de commentaires, puisque de multiples documents, imprimés et numériques, permettent à chacune et à chacun de trouver facilement des informations. Je choisis en priorité sept de ces « grandes écrivaines », qui auront réussi à s’imposer dans l’histoire littéraire : celles qui, sur mon chemin de lectrice, m’ont révélé la puissance de la création littéraire. L’ordre chronologique favorise cette fois-ci l’idée d’un itinéraire édifiant, à poursuivre : de Christine de Pizan, la truelle à la main, qui construit la Cité des Dames, à Annie Ernaux, première femme française à obtenir en 2022 le prix Nobel de littérature.
Bien avant nous, d’autres femmes tentèrent de sauver de l’oubli tant d’écrivaines condamnées à l’oubli. L’épouse du célèbre dramaturge Edmond Rostand, elle aussi poétesse invisibilisée, avait publié en 1943 une anthologie de la poésie au féminin du XIIe au XXe siècle. Voici les dernières strophes de son poème « Florilège » qui clôt sa galerie de portraits de créatrices : elle rend hommage à celles qui n’y ont pas eu leur place, si nombreuses sont-elles :
« Pardon ! Pardon ! si j’en oublie…
J’en vois encor sur le chemin ;
Et des livres de poésie
Resplendissent entre leurs mains.
Ah ! je voudrais les garder toutes
Dans ce jardin que je construis,
Car, si parfois je les écoute,
Je les entends mieux aujourd’hui.
Elles ont formé sous la nue
Une chaîne aux vivants chaînons.
Même, il y a des inconnues
Dont on ignore tous les noms…Je veux que la plus effacée,
La plus oubliée aujourd’hui,
Sente, un instant, que ma pensée
A côté d’elle me conduit.
Et sache, la pauvre petite,
Qu’en terminant j’écris tout bas
– Comme une fleur qu’on ressuscite –
Son nom, que je ne connais pas ! «
Rosemonde Gérard, « Florilège », Les Muses françaises, 1943.