Ecrivaines invisibilisées

femmes invisibilisées

La littérature sans les femmes

Simple constat : l’histoire littéraire laisse peu de place aux femmes. Est-ce à dire que la production littéraire des femmes soit rare à ce point ? D’évidence, nombre d’écrivaines sont passées à la trappe, leurs œuvres dépréciées, voire ridiculisées, ou simplement oubliées, à force d’être demeurées en marge des circuits de diffusion et de légitimation ; ces circuits, en effet, ont longtemps été au pouvoir des hommes qui ont détenu le monopole des maisons d’édition, des directions de collections, des journaux et revues, des jurys de prix littéraires.

Aujourd’hui, s’ouvre un immense chantier : nombre de femmes et d’hommes, écrivain.es, journalistes, chercheuses et chercheurs, lectrices et lecteurs, tout un mouvement se déploie en faveur de la réhabilitation des créatrices. Ce site internet participe au travail de construction d’une nouvelle histoire littéraire. Il a pour objectif de mettre en lumière des figures de femmes créatrices trop souvent invisibilisées dans l’histoire de l’art et de la littérature.  Il a donc une vocation sociétale mais aussi pédagogique : les jeunes femmes d’aujourd’hui doivent pouvoir trouver des modèles auxquels s’identifier et qui puissent les guider, les inspirer, dans leur parcours de vie et d’études.

Dictionnaire universel des femmes créatrices

L’initiative la plus avant-gardiste et la plus ambitieuse est sans doute celle de Béatrice Didier, Antoinette Fouque et Mireille Calle-Gruber : en 2013, elles ont publié Le Dictionnaire
universel des créatrices
aux Editions des femmes. Première « encyclopédie » des femmes de cette ampleur, l’ouvrage recense plus de 12000 créatrices à travers le monde, au cours de 40 siècles d’histoire. Le travail a commencé dès 2006 avec plus de 1600 contributeur.ices. Il est continuellement actualisé, publié en format imprimé mais aussi numérique, afin que chaque nouvelle version soit accessible.
Ce monument d’histoire de notre civilisation constitue une véritable révolution intellectuelle puisqu’il rend enfin aux femmes leur vraie place dans le développement des idées, le progrès des connaissances mais aussi les pratiques sportives et artisanales.

La littérature sans les femmes a vécu. Cachées par la forêt, les écrivaines invisibilisées font désormais l’objet de nombreuses entreprises de réhabilitation. Eric Dussert, par exemple, a trouvé ce beau titre pour son ouvrage consacré à 138 écrivaines oubliées : « Dès que les presses entamèrent l’impression d’Une forêt cachée [livre consacré aux oubliés de la littérature], il m’apparut que sur ses 156 portraits seuls 17 étaient consacrés à des femmes de lettres…
Aurais-je été misogyne sans le savoir ?
Avec ce nouveau recueil, j’ai souhaité montrer comment de très nombreuses créatrices ont été « cachées par la forêt » de la littérature, comment elles ont œuvré avec beaucoup d’imagination, de sensibilité, d’érudition, d’astuce et d’humour durant plus d’un millénaire.
De quoi se convaincre que le seul XXe siècle a vu d’autres grandes romancières que Marguerite Duras, Marguerite Yourcenar, Colette et Annie Emaux. Il suffit de lire les livres délectables de Myriam Harry, de Fanny Clar, de Rose Celli, de Marie-Louise Haumont, et de beaucoup d’autres, pour se convaincre de leur talent inestimable. » (Cachées par la forêt, La Table ronde, 2018)

Cachées par la forêt par Eric Dussert
Premières de cordée exposition Aubusson

Écrivaines en recherche de légitimité

Effacées donc, par le seul fait de leur relégation hors du champ littéraire, les femmes ont souvent dû commencer à entrer en littérature en se cachant : de biais, en se faisant passer pour un homme, façon George Sand, ou en s’effaçant, sans signature aucune, comme Catherine Pozzi avec son autobiographie Agnès. Nombre d’entre elles, hésitant à braver us et morale, ont préféré assouvir leur passion de l’écriture par délégation, à travers l’œuvre du mari, du frère, de l’amant, sans publication en nom propre. Leurs œuvres méritent pourtant d’accéder enfin à la lumière et à la légitimité.

Virginia Woolf a écrit son essai Une chambre à soi dans ce but : que les femmes puissent enfin assouvir leur aspiration à l’écriture d’une œuvre. Mais la place des femmes dans la société rendait impossible, pour la plupart, une telle entreprise :

Une chambre à soi par Virginia Woolf

« Une vie libre à Londres, au XIXe siècle, aurait impliqué pour une femme poète et auteur dramatique une tension nerveuse et un déchirement tels qu’ils l’auraient sans doute tuée. Eût-elle survécu, tout ce qu’elle eût écrit, découlant d’une imagination faussée et morbide, en eût été déformé et contrefait. Et sans doute, pensai-je, regardant le rayon où ne se trouvent point de pièces écrites par des femmes, n’aurait-elle pas signé ses œuvres. »

Un lieu à soi par Virginia Woolf

Le silence des femmes s’est quelquefois fait entendre, en journaux, mémoires, épîtres et confesses de tous ordres. Soyons leur chambre d’écho afin que revivent post mortem ces voix contrariées.

Les processus d’occultation ou plus radicalement de dépréciation des œuvres des femmes, artistes ou écrivaines, s’inscrivent dans une évolution historique précise, déterminée par le contexte politique, les stratégies d’éducation et la représentation du rôle de la femme dans la famille et dans la société. Une approche diachronique du statut de la femme dans notre société occidentale permet de mieux comprendre le phénomène général de l’écriture au féminin.

Histoire de l’invisibilisation des femmes

Ainsi, Éliane Viennot considère ainsi que « la machine à effacer » les femmes de l’histoire littéraire est un mécanisme culturel « historiquement limité » qui s’emballe au XVIIIe siècle. Le XIXe est la période noire où la plupart des femmes créatrices demeurent dans l’ombre, et a fortiori dans l’ombre de « grands hommes » peu reconnaissants, ou simplement pas conscients de la valeur de leur contribution et de leur talent. Pour elles, l’accès à la notoriété littéraire ou artistique ne peut se faire, le plus souvent, que par des procédés d’auto-effacement du genre féminin ou de mystification de leur identité. Bien des femmes ont forcé les portes de l’édition en passant par la fenêtre. Ainsi, le recours à l’anonymat et à la pseudonymie est le symptôme de cette relégation en marge de l’histoire littéraire.

Dans son article intitulé « Écrivaines porte-plume, un phénomène historiquement limité« , Eliane Viennot explique précisément comment les femmes, depuis le Moyen Age, ont eu la liberté d’écrire et de publier en leur nom, ou au contraire, comment elles en ont été empêchées. Elle montre que l’offensive contre la prétention des femmes à créer est précisément datée : « Qu’est-ce qui change donc si drastiquement à l’orée du XVIIe siècle, pour que se mette en place cette offensive contre celles à qui l’on ira jusqu’à refuser de les nommer proprement? » La menace commence avec « la chasse aux termes féminins désignant les activités prestigieuses » (in Femmes artistes et écrivaines dans l’ombre des grands hommes, sous la dir. d’Hélène Maurel, Classiques Garnier, 2019). L’argument d’un prétendu neutre commence à être avancé pour effacer le genre féminin du lexique des noms de métiers ou de fonctions valorisantes. Les deux citations suivantes datent du XVIIe siècle :

« Il faut dire : cette femme est poète, est philosophe, est médecin, est auteur, est peintre ; et non poétesse, philosophesse, médecine, autrice, peintresse, etc. »
Nicolas Andry de Boisregard, Réflexions sur l’usage présent de la langue française, ou remarques nouvelles et critiques touchant la politesse du langage, Paris, Laurent d’Houry, 1689, p. 228.

« Il n’y a rien de si dégoûtant que de s’ériger en écrivaine et entretenir pour cela seulement commerce avec les beaux esprits. »

Lettre de Jean Chapelain à Guez de Balzac écrite en 1639, soit quatre ans après la fondation de l’Académie française, à laquelle ces deux auteurs appartiennent.

Comment expliquer un tel discrédit de la part de l’Académie française fondée en 1634 et qui incarne désormais l’autorité et la norme en matière littéraire ?

« Le premier élément, précise Eliane Viennot, est sans doute leur [les femmes] arrivée dans la cour des grands. Jusqu’alors, en effet, les succès féminins sont des succès d’estime. […] Tout change avec Marguerite de Valois, dont les Mémoires paraissent en 1628 et sont réimprimés sept fois en deux ans, avant de s’installer «entre les mains de tout le monde». » Mais son statut exceptionnel de reine l’épargne auprès des académiciens et particulièrement de Richelieu qui l’admirait.
« Toute autre est en revanche la sorte d’écrivaines qui émerge avec Madeleine de Scudéry, femme bien vivante et de petite noblesse qui enchaine les succès à partir des années 1640, bientôt rejointe par Henriette de La Suze, Catherine Desjardins alias Mme de Villedieu, et « tout le reste des femelles », comme allait écrire rageusement Tallemant des Réaux, c’est-à-dire Lafayette, Deshoulières, Aulnoy, La Roche Guilhem, Bernard, Barbier, Dunoyer, etc. »

Les membres de l'Académie française venant offrir au roi Louis XIV le Dictionnaire de l'Académie. 1694, Collections du château de Versailles. Mariette, Jean (graveur). Corneille, Jean-Baptiste (dessinateur)

Au XVIIe siècle, rien ne semble plus empêcher les femmes de s’imposer dans le paysage littéraire au moment même où la monarchie devient de plus en plus autoritaire. la « machine à effacer » ne s’arrêtera plus : les femmes disparaissent progressivement des histoires littéraires et les jugements dépréciatifs se multiplient.

Jean-François de La Harpe qui traverse de sa plume acerbe tout le XVIIIe siècle est sans concession : selon lui, les femmes sont incapables d’écrire du théâtre qui « demande une force de conception réfléchie et de travail suivi, qui semble au- dessus de ce sexe, dont l’imagination n’est si vive qu’aux dépens de la réflexion. » (Lycée ou cours de littérature ancienne et moderne, 1799). Ces critiques s’adressent cruellement à la trop brillante Germaine de Staël mais aussi à « toutes les femmes qui marquent alors la scène littéraire, les Beauharnais, les Dufrénoy, les Beaufort… Des femmes qu’au même moment Écouchard-Lebrun enjoint de se taire avec son Ode aux belles qui veulent devenir poètes (1796), qui se clôt par le fameux vers : « Inspirez, mais n’écrivez pas.» Ajoutons, pour boucler la boucle, que c’est l’époque où Sylvain Maréchal profère cette grande vérité dans son Projet d’une loi portant défense d’apprendre à lire aux femmes (1801) : « Pas plus que la langue française, la raison ne veut qu’une femme soit auteur. Ce titre, sous toutes ses acceptions, est le propre de l’homme seul. »

Histoire de la littérature française de Lanson

À la fin du XIXe siècle, Lanson donne le coup de grâce dans son Histoire de la littérature française. En cinq cents pages, son tamis ne retient que neuf noms de femmes écrivains qui pourraient du reste regretter de ne pas avoir échappé au palmarès ; Christine de Pizan paye le prix fort pour les suivantes, coupable d’être « la première de cette insupportable lignée de femmes auteurs » à l’« infatigable facilité », à l’« universelle médiocrité ». » (Histoire de la littérature française, 1894). La messe est dite. L’histoire littéraire se fera sans les femmes.

Cessons là le début d’un terrible cortège d’humiliations qui condamnent désormais la femme créatrice au silence.

Vers une reconquête de la place des femmes en littérature

Virginia Woolf
Virginia Woolf

Virginia Woolf prédisait que dans cent ans la femme aurait les moyens de son indépendance, condition sine qua non de la création littéraire, avec « une chambre à soi », cinq cents livres de rente et la liberté d’expression. C’était en 1929.
Mission accomplie : en France, droit de vote des femmes et droit à l’éligibilité en 1944, principe d’égalité des droits entre hommes et femmes inscrit dans la constitution en 1946.

Pourtant, en 1949, Simone de Beauvoir reconnaît dans Le Deuxième Sexe : « La femme libre est seulement en train de naître. » C’est qu’entre le droit de vote et l’indépendance financière, on n’hésite pas : de l’argent ! et après, des droits… et le droit d’en disposer surtout.
La vraie date, c’est 1965, avec la réforme du régime matrimonial qui autorise la femme à gérer ses biens, puisqu’elle ne pouvait jusqu’alors que disposer de son salaire, et cela seulement depuis 1907. En 1965 donc, elle est autorisée à ouvrir un compte en banque et à exercer une profession sans l’autorisation du mari. Tout est dit, enfin. Bourse en poche ou porte-monnaie en sac à main, la femme trime comme l’homme, certes, mais pour elle.

Simone de Beauvoir
Simone de Beauvoir
Simone Veil
Simone Veil

Encore qu’il lui restât à franchir un grand pas, grand pour l’histoire des femmes. Que vaut l’argent sans un corps à soi ? La femme indépendante ne naît vraiment qu’en 1967, quand la loi Neuwirth autorise la contraception.
La légalisation de la pilule libère la femme de l’angoisse mensuelle du vingt-et-unième jour. Viendront-viendront- pas ? Retard ou peine à retardement ? Attendre encore 1974, la loi Veil autorisant l’IVG pour la seconde chance, quand tout a failli.

A body of one’s own : dernier sésame que Virginia Woolf ne cite pas, elle qui en fut empêchée, pour raison de maternité littéraire. Interdite d’enfanter. Question de survie, lui disait-on. N’en mourut-elle point ? Entre paternité littéraire et maternité tout court, la maternité littéraire sans interdit semble aujourd’hui possible.

Femmes artistes et écrivaines dans l'ombre des grands hommes Hélène Maurel

« Les femmes, en art et en littérature, ont souvent œuvré dans l’ombre d’une collaboration mal définie. Parmi elles, un bon nombre ont pourtant su faire valoir leur propre idiolecte et créer l’enchantement que Roland Barthes reconnaît à «tout grand écrivain » dans sa « Mécanique du charme ». Il n’est désormais que de les mettre en lumière. »
(Hélène Maurel, Introduction, Femmes artistes et écrivaines dans l’ombre des grands hommes, 2019, p. 7-19)

Premières de cordées exposition Aubusson

Faire la lumière sur la création au féminin

Notre site internet propose de faire la lumière sur les œuvres de femmes oubliées ou même inédites, faute d’avoir trouvé une visibilité dans le champ littéraire. Notre page Actualités offre une veille sur les événements et les publications liées à la question des écrivaines invisibilisées. Dans la page Portraits d’écrivaines oubliées, des dossiers sont consacrés à chacune de ces écrivaines.

Dans cette récente entreprise de réhabilitation des créatrices, tous domaines confondus, nombre d’associations et d’organismes s’activent. Des analyses du processus d’invisibilisation des femmes, mais aussi des textes militants enrichissent la réflexion. Cette question cruciale, en effet, est sous-jacente aux débats depuis des décennies dans le cadre des études de genre. Mais seulement depuis 2017, avec le choc du mouvement #Metoo, la mobilisation s’amplifie, les études se croisent entre tous les domaines de l’activité humaine et le combat imprègne toutes les générations, tous les êtres, indépendamment du genre et de l’appartenance sociale. Chacun prend consciente désormais que la question de l’invisibilisation des femmes dépasse une prétendue « guerre des sexes » et devient une vraie question de civilisation.

Associations et organismes actifs
sur les écrivaines invisibilisées

Archives du féminisme : l’association a pour objectif de faire connaître et de rendre accessibles pour la recherche les archives féministes d’origine privée, qu’il s’agisse de fonds personnels ou associatifs. Elle développe la connaissance de l’histoire des féminismes en France et contribue à l’écriture de cette histoire par des publications scientifiques.

Archives du féminisme

Le Centre Hubertine Auclert : le centre francilien pour l’égalité femmes-hommes contribue à la lutte contre les inégalités et les discriminations fondées sur le sexe et le genre. Il propose de nombreuses ressources en libre accès à travers son Égalithèque, une banque de données riche de publications, études et fiches thématiques pratiques, « les malles égalité ». La région Île-de-France est à l’origine de sa création en 2009. Le rôle du centre est en particulier de promouvoir les valeurs d’égalité dans l’éducation. Ce réseau est composé de 300 membres, dont 151 associations, 129 collectivités locales et institutions et 20 syndicats.

Georgette Sand : ce collectif défend l’idée qu’on ne devrait plus s’appeler Georges pour être prise au sérieux. Il s’attache à déconstruire les stéréotypes, renforcer la capacité d’émancipation des femmes et à améliorer leur visibilité dans l’espace public afin que dès l’enfance, filles et garçons puissent connaître la diversité de celles qui composent ce monde.

Les sans pagEs : le projet est né en 2020 du besoin de combler le fossé et le biais de genre sur Wikipédia. En 2016, Wikipédia en français comptait 450 000 biographies d’hommes, contre 75 000 de femmes, soit seulement 14,2 %. En 2024, d’après le site Humaniki, le pourcentage était encore de19,98 %. Le collectif crée et améliore des articles de Wikipédia portant sur des femmes. Il lance aussi un appel aux illustrateurs et illustratrices afin de compléter les biographies de femmes sans photos.

Les sans pagEs

Textes et vidéos sur les écrivaines invisibilisées :
lire et voir

Lire l’article de Marilyne Bertoncini sur Femmes artistes et écrivaines dans l’ombre des grands hommes (Classiques Garnier, 2019) : Martine Bertoncini est enseignante, poète et traductrice (français, italien), codirectrice de la revue numérique Recours au Poème, membre du comité de rédaction de la revue Phoenix, collaboratrice des revues Poésie/Première et la revue italienne Le Ortiche, où elle tient une rubrique, “Musarder“ (bilingue italien et français), consacrée aux femmes invisibilisées de la littérature.

Lire Au NON des femmes, Libérer nos classiques du regard masculin de Jennifer Tamas (Seuil, 2023) : assignées au devoir de « réserve » par les traités de civilité et au silence ou à la « feinte résistance » par les codes de séduction, les héroïnes de la littérature classique n’auraient rien à nous transmettre, surtout pas le pouvoir de dire « non ». En réalité, les femmes du Grand Siècle ont résisté, elles ont désobéi. Sous les images de princesses endormies célébrées par l’industrie du divertissement se cachent de puissants refus, occultés par des siècles d’interprétations patriarcales.

Lire l’entretien avec Martine Reid : « Faire éclater le canon, arriver à un discours commun sur la littérature. » (Vicky Gauthier, Camille Islert et Martine Reid, GLAD! [En ligne], 12 | 2022) :
« J’invite à la prudence tous ceux et celles qui travaillent sur les femmes auteurs en France parce qu’il demeure une littérature canonique très forte, très solide institutionnellement, et qu’elle n’inclut pas les femmes. Elle veut bien des grandes figures, des Madame de Lafayette, George Sand, Colette, mais dans le détail, elle ne leur est absolument pas ouverte. » […] On a dit inlassablement que ce qui était gênant dans les ouvrages de femmes était qu’ils étaient mineurs. On a fait jouer contre elles la distinction majeur/mineur. C’est incontestable, les grands talents sont rares : de loin en loin il y a des hommes exceptionnels, mais ils sont minoritaires, et tout le reste est une façon plus ou moins bien inspirée de faire de la littérature. Il est donc indispensable de faire sauter la hiérarchie. Faites le tour de ce que vous connaissez de la littérature et vous vous apercevrez que vous connaissez une foule d’auteurs masculins totalement mineurs. Il faut donc un récit collectif, partagé, qui soit plus juste, et qui parte du fait qu’il y a des hommes et des femmes en littérature. »

Voir la conférence de Laélia Véron, maîtresse de conférence en linguistique à l’Université d’Orléans : co-autrice du livre Le français est à nous !, Laélia Véron traite des rapports de domination dans nos usages du langage. Elle donne concrètement des possibilités de faire entrer le féminin dans la langue française, en puisant dans toutes les ressources de la grammaire. Convaincant et solidement argumenté. La question d’un langage inclusif y est abordée de façon réfléchie et subtile.

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